Saturday, November 26, 2005

shufat




Dimanche 20 Novembre 2005. Triste incident au camp de refugies de Shufat.

Ce soir j’ai un peu mal au cœur après une journée éprouvante. J’ai voulu faire une visite guidée à une Luxembourgeoise de quelques lieux que je trouvais intéressants à montrer pour comprendre la situation ici. Nous sommes d’abord allées à Abu Dis près de Jérusalem où je connais une famille qui habite à quelques mètres du Mur et font face à une colonie.. La famille se sent toujours prisonnière et doit subir le va-et-vient des jeeps militaires et des colons devant leur porte. Nous sommes ensuite allées à Abu Dis par un passage dans le Mur contrôlé par les soldats israéliens pour nous rendre à Anata et dans le camp adjacent de réfugiés de Shufat que j’avais visite à plusieurs reprises. Je me sentais donc assez en confiance pour m’y rendre seule. A Anata, près de l’école dont la cour est coupée en deux par le Mur, il y avait encore des heurts entre les jeunes Palestiniens et les soldats qui « protègent » la construction du Mur. Jets de pierre et gaz lacrimogène étaient comme tous les jours présents. Au camp de réfugiés de Shufat, la situation est encore pire. Le camp est surpeuplé et les conditions économiques, sociales et sanitaires se dégradent. Les tensions se sont accrues depuis le début de la construction du Mur qui va séparer les réfugiés de Jérusalem dont ils sont dépendants pour de nombreux services. Environ 80 maisons ont reçu des avis de démolition, dont celle de mon contact Mossem qui a organisé une manifestation et essaye d’alerter les médias. Le résultat ne s’est pas fait attendre, il a été arrêté recemment pendant 24 heures où il a été menacé et battu. Quand je l’ai revu, il était désespéré et brisé.
Tous les jours les enfants et jeunes du camp jettent des pierres sur les bulldozers de caterpillars et les jeeps militaires. Les enfants sont partout dans le camp. Ils n’ont rien à faire et sont souvent très nerveux et agités. Pres de la construction du Mur nous nous sommes rapprochées de quatre enfants, âgés environ de 6 à 10 ans, qui jetaient des pierres et brûlaient un pneu. Mais un vieux Palestinien nous a crié de ne pas aller vers eux. Alors que nous rebroussions chemin, deux ou trois pierres sont tombées à côté de nous. J’ai compris alors que cet habitant avait sûrement cherché à nous protéger. Je me suis rendue plus loin et j’ai voulu quand même les prendre en photo mais les quatre enfants ont aussitôt réagi en faisant mine de me lancer des pierres. Comme j’étais avec des jeunes femmes Palestiniennes, je pensais qu’ils allaient s’arrêter. Mais alors que je discutais avec les Palestiniennes et que je tenais un chaton, un des enfants m’a arraché le chaton des mains, a fait mine de lui fracasser sa tête sur la grille et l’a ensuite jeté sur ma figure. Bien évidemment, je lui ai crie dessus mais cela n’a pas eu l’air de l’affecter outre-mesure. A ce moment j’ai aperçu Mossem qui passait par là. Nous avons discuté un moment. Pendant ce temps un des garçons jetait des pierres de toutes ses forces à une fille sur un balcon. Personne ne lui a rien dit. Il était grand temps de partir, en compagnie de Mossem. Mais les garçons nous suivaient et étaient toujours aussi pressants. Mossem a fini par leur crier de partir mais au bout de deux minutes ils étaient de retour. Mossem est retourné chez lui et nous a laissé continuer. J’ai fait alors l’erreur de ne pas demander à Mossem de nous accompagner jusqu’à l’entrée du camp mais il semblait si éreinté que je n’ai pas osé. J’aurais dû. Quelques mètres aprè,s les enfants ont vraiment commencé à nous harceler et carrément à nous menacer, par des paroles et gestes. Un des enfants a essayé d’ouvrir mon sac et je me suis retournée violemment en lui donnant un coup dans la poitrine. Un autre m’a menacé avec un bout de bois qu’il était prêt à me jeter à la figure. Un autre a aussi essayé de prendre le sac de ma collègue. Nous sommes alors rentrées nous réfugier dans la première maison venue. La famille ne semblait pas trop savoir comment réagir. Les enfants étaient encore dehors et nous attendait. Heureusement j’avais le numéro de Mossem qui est venu les chasser et nous a accompagné jusqu’à la sortie. Il était désolé de l’incident. Il sait aussi qu’il est nécessaire que les journalistes et internationaux viennent voir la situation à Shufat. Il s’est aussi plaint des familles qui ne font rien pour contrôler leurs enfants.
Je n’ai pas été traumatisée, je sais qu’il faut s’attendre a tout en Palestine, mais cet épisode m’a quand même affectée. Tout-à-coup je suis redevenue une étrangère. Comment expliquer ce comportement ? L’impact de l’occupation militaire sur ces enfants palestiniens va bien plus loin que les statistiques sur le nombre d’enfants blessés, tués ou emprisonnés. Comment ne peuvent-ils pas reproduire cette violence, militaire, physique et symbolique qu’ils vivent au quotidien ?
Si nous ne faisons rien, cette génération d’enfants palestiniens sera perdue et avec elle toute perspective de paix. Et justement nous ne faisons rien. Ce soir, je ne suis pas en colère contre eux. On ne peut pas s’attendre à ce que des enfants aient un comportement normal dans un tel contexte. Mais je suis un peu triste et inquiète, non pour moi mais pour l’avenir de ces enfants de la deuxième intifada qui se préparent à une troisième. Cet épisode a sonné aussi pour moi comme un rappel à l’ordre. A force de rester ici, on s’habitue même au pire et on a tendance à baisser la garde. C’est alors que le danger est le plus grand.

ENGLISH
The situation in Shufat is getting more and more difficult. Tensions and clashes are daily as there is always a Israeli military presence due to the construction of the Wall just next to the camp- Actually so houses are going to be destroyed soon.
This day for the first time I had serious problems with the kids. Some of them kept following us and began really to harass us. They tried to throw some stones; opened my bag and threatened us. We even had to get inside a house and to call my contact in Shufat. The kids were only from 6 to 10 years old. They seemed out of control. I was more sad than angry at them. I mean you cannot expect kids to behave normally when they experience violence everyday. It was a reminder to me also that I am still a foreigner here. I start to be too comfortable and begin to be less careful.

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